Le sujet est au cœur des réflexions sur l’acceptabilité de la transition écologique. Il sous-tendait le rapport remis en mai à Matignon par l’économiste Jean Pisani-Ferry et l’inspectrice des finances Selma Mahfouz sur « les incidences économiques de l’action pour le climat » : comment faire en sorte que tous les citoyens, y compris les plus modestes, aient les moyens financiers d’opérer les changements nécessaires à la réduction de leur empreinte carbone ?

Lire l’entretien : Article réservé à nos abonnés Jean Pisani-Ferry : « Nous préconisons un impôt exceptionnel sur le patrimoine financier des plus aisés pour la transition climatique »

Ajouter à vos sélections Pour approfondir cette question, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), un think tank sur l’économie de la transition écologique fondé par la Caisse des dépôts et l’Agence française de développement, a publié, jeudi 19 octobre, une étude intitulée « La transition est-elle accessible à tous les ménages ? ». Dans ce travail d’une soixantaine de pages, que Le Monde a pu consulter, l’I4CE, dont les experts avaient contribué au rapport Pisani-Mahfouz au printemps, a passé au crible les aides publiques existant dans les deux secteurs où les ménages doivent supporter directement les coûts de la transition : la rénovation énergétique des logements et la mobilité électrique.

« Dans le débat public français, depuis les “gilets jaunes”, si on veut parler de transition climatique, on doit donner à chacun la possibilité de la mettre en œuvre », résume Charlotte Vailles, chercheuse de l’I4CE et l’une des autrices de l’étude. « Attendre des ménages qu’ils agissent en faveur de la transition s’ils n’ont pas accès aux solutions – voiture électrique, transports en commun, isolation du logement, changement de chauffage… – génère un rejet des politiques de transition et nous conduit collectivement dans l’impasse », peut-on lire dans l’étude. Or les manques sont encore nombreux.

Des aides qui ont augmenté depuis 2008 Les autrices du rapport ont croisé les données de revenus des ménages – en fait le revenu fiscal de référence, à partir duquel sont attribués les bonus écologiques et autres crédits d’impôts – et les subventions existant aujourd’hui. A la fois pour réaliser les travaux les plus courants en matière de performance énergétique (isolation des murs, du toit, changement du mode de chauffage…) dans six logements types, et pour acquérir un véhicule électrique et une borne de recharge individuelle.

Premier constat : les aides ont beaucoup augmenté depuis leur création et sont de plus en plus corrélées aux revenus des ménages. Pour la rénovation d’une maison individuelle et l’achat d’une voiture électrique neuve, ainsi que d’une borne de recharge, leur montant maximal est passé depuis 2008 (date de mise en place des premiers bonus) de 20 000 à 50 000 euros, selon l’étude. A logement et voiture donnés (c’est-à-dire pour la rénovation et l’achat d’un même type de biens), les aides sont deux fois plus élevées pour les 30 % de ménages les plus modestes que pour les 20 % les plus aisés. Toutefois, le « reste à charge », c’est-à-dire la différence entre ce que les ménages financent par apport personnel et les aides auxquelles ils peuvent prétendre, se compte encore en dizaines de milliers d’euros.

  • Diurnambule@jlai.lu
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    9 months ago

    Si seulement il y avais des gens qui ont amassé des milliard tout en payant des impôts ridicule pendant des dizaines d’années.

  • BZzzz@jlai.lu
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    9 months ago

    Le gouvernement pikasurpri que le francais ne se soit pas jetté sur l’achat d’une tesla alors qu’on lui à a augmenter sont smic de quelques dizaines d’euros.

  • Camus@jlai.luOP
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    9 months ago

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    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/19/la-transition-ecologique-demeure-trop-couteuse-pour-les-classes-moyennes-et-les-plus-modestes_6195387_823448.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default

    Ainsi, dans le cas de la rénovation thermique, pour un couple appartenant au troisième ou quatrième décile de revenus (13 400 à 24 400 euros de revenu fiscal de référence, correspondant peu ou prou aux classes moyennes populaires), il faut compter 25 000 à 45 000 euros pour rénover son logement, selon qu’il s’agit d’un appartement, d’une maison rurale chauffée au fioul ou d’un pavillon des années 1970. Au total, « pour la plupart des logements, le reste à charge d’une rénovation performante représente plus d’une année de revenus pour les ménages modestes et ceux des classes moyennes », note l’étude.

    Pour les 10 % les plus modestes (moins de 3 000 euros de revenu fiscal de référence pour un couple), le coût à supporter représente dix ans ou plus de revenus. La possibilité de contracter un éco-PTZ (prêt à taux zéro), dont le plafond a été rehaussé à 50 000 euros depuis 2022, change la donne, nuance l’étude : dans la plupart des cas, cela permet de rentabiliser l’investissement de rénovation dans l’année suivant les travaux. Mais cela reste un calcul théorique, qui omet les comportements des propriétaires concernés.

    « Démarches administratives complexes » « Des freins demeurent : les démarches administratives sont complexes, et le taux d’endettement induit, qui s’ajoute à l’endettement pour l’achat du logement, dépasse souvent le maximum acceptable par les banques », note Charlotte Vailles. De plus, « les ménages voient davantage l’ampleur de l’investissement que les économies que cela leur permettra de réaliser ensuite », prévient la chercheuse d’I4CE.

    Lire aussi le décryptage : Article réservé à nos abonnés Soixante milliards d’euros pour la transition écologique : des dépenses ciblées mais des recettes à trouver

    Ajouter à vos sélections Afin de contenir le taux d’endettement à un seuil acceptable par les banques, une augmentation des aides de plus de 20 % serait nécessaire pour les ménages modestes et la première moitié des classes moyennes, a calculé l’I4CE. « Cette hausse pourrait entre autres être financée par un rebasculement d’une partie des aides des ménages les plus aisés, sans compromettre pour ces derniers l’accessibilité économique de la rénovation », recommande l’étude.

    Newsletter « Politique » Chaque semaine, « Le Monde » analyse pour vous les enjeux de l’actualité politique S’inscrire Ce problème de trésorerie se pose aussi pour le passage à un véhicule électrique. En fonction des modèles, le reste à charge varie entre environ 10 000 et 40 000 euros. « Pour une citadine standard, il est compris entre 26 000 et 28 000 euros pour les ménages des classes moyennes », soit là encore, le plus souvent, plus d’une année de revenus. Conséquence : même si une fois réalisé, le passage à l’électrique diminue en moyenne de moitié le budget voiture d’un ménage (plus de 150 euros par mois en moins, aux prix de l’énergie du premier semestre 2023), l’investissement initial est trop élevé.

    « Avec les prix de l’énergie en vigueur au premier semestre 2023, et pour un modèle donné de citadine standard, une hausse des aides entre 10 % et 50 % serait nécessaire pour les ménages modestes et le début des classes moyennes, afin que les économies d’énergie couvrent le loyer du leasing », selon l’I4CE. La mise en place à partir de 2024 du leasing social – location d’une voiture électrique pour 100 euros par mois, promesse de campagne d’Emmanuel Macron –, pourrait faciliter le passage à l’électrique. Mais embarquer durablement tous les Français dans la transition écologique nécessitera davantage de moyens.