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La marche “contre l’antisémitisme”, du dimanche 12 novembre 2023, organisée par les mêmes qui rendent hommage à Pétain et Maurras est un piège tendu à la gauche. Comment l’éviter ? l’antisémitisme : une réalité alarmante

Tout d’abord plusieurs constats :

Il y a de l’antisémitisme en France. Il vient de loin. L’État d’Israël commettant des crimes abominables en se revendiquant “des Juifs” alors qu’il ne peut être comptable que de lui même (et même pas des israéliens) ajoute de la confusion.
Il y a donc un enjeu fort à ne rien laisser passer et à ce que le contexte ne soit pas utilisé pour que d’autres innocents soient encore essentialisés et ciblés. Un rassemblement peut faire partie du répertoire d’actions, parmi d’autres

Un rassemblement “contre l’antisémitisme” est organisé par les macronistes, la droite et l’extrême droite, auquel se greffent les partis moribonds de la Nupes (les écologistes, le Parti Socialiste et le Parti Communiste Français) à l’exception de la France Insoumise. Faut-il y aller car on est “contre l’antisémitisme” ? Non. Le problème avec la marche d’extrême droite contre l’antisémitisme

Avant toute chose cette marche avec les zemmouristes et le Rassemblement National pose un évident problème d’hygiène morale : on ne défile pas avec des gros racistes contre le racisme. Les racismes se nourrissent les uns les autres. La théorie du “grand remplacement” par exemple, reprise par Zemmour, Le Pen et LR, si elle vise en priorité les musulmans, est aussi un antisémitisme (qui sont, à votre avis, pour les partisans de cette idéologie, les “élites cosmopolites qui organisent l’immigration pour détruire la nation” ?)

Ensuite parce que derrière “contre l’antisémitisme”, qui devrait nous rassembler, se distingue en réalité des interprétations politiques radicalement différentes. Pour la droite et l’extrême droite, l’antisémitisme est le fait “des musulmans”. Cela a été dit texto à longueur de plateaux tv, et ailleurs, pendant des semaines (la “rue musulmane” de Jean Quatremer journaliste à Libé, Darmanin pareil, Pascal Perri et “l’antisémitisme couscous” sur LCI, Arno Klarsfeld sur la “population musulmane”…) : leur antiracisme de façade est un racisme.

Elles associent enfin tout soutien aux Palestiniens à de l’antisémitisme (tout en demandant avec mauvaise foi à ne pas “importer le conflit”) : c’est un deuxième gros point de désaccord.

Nous n’avons pas à contribuer à l’opération opportuniste qui consiste, pour les familles politiques historiquement porteuses de l’antisémitisme en France, à se laver en faisant porter le chapeau à d’autres.

  • Manifester contre l’antisémitisme avec des islamophobes est au final très contreproductif

À gauche (normalement) : notre analyse de l’antisémitisme est différente. Protéiforme et structurel, il s’inscrit dans l’histoire longue de l’antisémitisme en France et en Europe. Il est aggravé par les confusions dont est porteur le conflit au Proche Orient. Si plusieurs attentats islamistes ont spécialement visés les Juifs en France et en Europe ajoutant à leur sentiment d’insécurité légitime, cette confusion est aussi exploitée par l’extrême droite antisémite blanche (soralisme, Faurisson et ses héritiers…).

Autre constat : un racisme anti-arabe et islamophobe s’est déchaîné sans que personne n’appelle à un rassemblement. Cela peut donner l’impression que certains racismes sont plus graves que d’autres, ce qui contribue à l’argumentaire antisémite. C’est pourquoi manifester contre l’antisémitisme avec des islamophobes est au final très contreproductif si on s’intéresse vraiment à faire baisser le niveau de racisme en France.

Le piège est donc tendu avec deux mauvaises options :

A- Aller au rassemblement, contribuer à l’opération de blanchissage de l’extrême droite, s’y faire insulter pour qu’ensuite on dise “ah bah voila ils ne sont pas les bienvenus !”. B- Ne pas y aller et s’entendre dire “ils n’y vont pas parce-qu’ils sont ambigus / antisémites” ou “pour ne pas se mettre à dos l’électorat musulman” (et donc donner des billes aux racistes anti-musulmans). Et laisser la lutte contre l’antisémitisme se droitiser.

On peut pourtant sortir du piège. organiser deux rassemblements populaires : l’un contre l’antisémitisme, l’autre contre l’islamophobie et le racisme anti-arabe

Il faut pour cela organiser non pas un mais deux rassemblements distincts. Le premier contre l’antisémitisme mais entre nous, sans la droite et l’extreme droite. Et avec une autre ligne.

Cette ligne est celle ci :

  • Compréhension du sentiment d’insécurité légitime des Juifs en France qui sont à la fois victimes de clichés, d’insultes et d’attaques, et d’attentats hyper traumatiques (Merah, Hyper Casher…).
  • Condamnation de l’antisémitisme sous toutes ses formes (extrême droite blanche néopetainiste, islamiste, antisionisme dévoyé).
  • Condamnation de la confusion entre Juifs français et le gouvernement de l’Etat d’Israël et ses crimes.

Ce rassemblement devra être suivi un autre jour d’un rassemblement contre le racisme anti-arabes et islamophobe. Les propos et actes contre les musulmans en France ont atteint une violence inouïe ces dernières semaines. Il faut montrer que personne n’est laissé derrière, qu’être contre l’antisémitisme ce n’est pas être islamophobe, et qu’être contre l’islamophobie ce n’est pas être antisémite. Bref refuser le narratif raciste de la droite “judéo-chrétiens Vs musulmans”. Et montrer que si chaque racisme a des formes spécifiques (raison pour laquelle il faut mieux deux rassemblements distincts) ils sont tous graves.

Mais plus précisément, pourquoi deux rassemblements et non pas les deux en un ?

Pour : 1- Tuer dans l’œuf l’idée qu’il y aurait un malaise à gauche à manifester contre l’antisémitisme et qu’il faudrait forcément l’assortir d’un “mais”. 2- Pour être plus percutant sur les mots d’ordre en prenant en compte les spécificités de l’antisémitisme et les spécificités de l’islamophobie. Deux racismes aussi graves l’un que l’autre mais aux formes d’expression différentes. Cela pourrait aider à éviter les formules creuses de l’antiracisme moral façon SOS Racisme et “touche pas à mon pote”. 3- Cela clarifie tout : nous n’avons pas de problème, nous, à aller à un rassemblement contre l’antisémitisme sur des bases claires. En revanche on sait que ni les macronistes, ni la droite ni l’extrême droite ne viendraient à un rassemblement “contre l’islamophobie”. On montre donc où est l’antiracisme réel.

Sortir par le haut du piège tendu par la droite et l’extrême droite en affirmant notre tradition antiraciste n’est donc pas si difficile.

Merci de nous aider à diffuser cet appel ou d’autres du même type, notamment auprès d’organisations et collectifs qui seraient en mesure d’organiser ces rassemblements.

Des initiatives en ce sens sont déjà en train d’être organisées comme la “Marche contre l’antisémitisme, l’islamophobie et toutes les formes de racisme” à Nantes, dimanche 12 novembre 2023 à 16h.

Rob Grams