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Enfin, des résultats pour les humains. Pour l’instant, ce n’est qu’un ralentissement de la maladie, donc l’impact pour les patients n’est que modeste. Mais ça ouvre plein de possibilités. Il y a trois ans, il n’y avait aucun traitement qui agisse sur la maladie elle-même. Maintenant, on en a trois.
Bien entendu, la question qui va suivre est, peut-on donner ce médicament avant l’apparition des premiers symptômes ? (on peut détecter les dépôts d’amyloïde grâce à l’imagerie des années avant l’apparition de la maladie). Mais il faudra évidemment attendre quelques années de plus pour avoir la réponse.
Je pense qu’il faut prendre ces résultats avec des pincettes.
Disclaimer : je ne suis pas neurologue ni spécialiste d’alzheimer, mais du fait de mon travail, je sais un peu lire un papier comme celui-là et repérer les principaux écueils.
1. Quelques faiblesses méthodologiques :
L’étude est financée par le laboratoire qui commercialise le médicament et les auteurs sont rémunérés pas ce labo. C’est le labo qui supervise l’étude, analyse les données, décide de les publier. C’est très fréquent mais ça reste un biais évident.
L’article ne précise pas (et c’est suspect) si l’analyse statistique est faite en intention de traiter. Le flow chart (fig. 1) semble montrer que non. C’est un peu technique mais ça veut dire que seuls les patients qui arrivent au bout de l’étude sont pris en compte. ça pose le problème que si dans un groupe, des patients meurent, sont perdus de vue ou se retirent de l’étude, on les prend pas en compte dans les stats. Imaginez théoriquement si tous les patients perdus de vue du groupe donanemab sont morts ! ça peut parfois masquer un gros problème lié au médicament. La diff ne semble pas énorme dans ce papier mais c’est louche que ça ne soit pas mentionné.
(Il y a sûrement d’autres failles méthodologiques que je n’ai pas vues)
2. Pertinence clinique de l’effet démontré :
Le donanemab, dont il est ici question, montre un ralentissement du déclin cognitif tel que mesuré sur une échelle (iADRS) qui va de 0 à 144. (plus on s’approche de zéro, plus on est dément). C’est une échelle développée pour être sensible à des modifications minimes de l’état cognitif chez les patients car les autres ne mettaient pas en évidence des différences trop subtiles. Traduction : 1 point correspond à une variation assez (très) faible de l’état cognitif.
Dans cette étude, les patients sont suivis pendant 18 mois. Au bout des 18 mois, le groupe placebo perd 9.3 points, le groupe donanemab perd 6 points (normal, la maladie s’aggrave dans tous les cas).
Les auteurs nous disent : “Wahou, c’est un ralentissement de 30% de la vitesse d’évolution de la maladie”. Mais un “gain” (une non-perte plutôt) de 3 points par an, sur une échelle qui va de 0 à 144, c’est tout de suite bien moins intéressant. (surtout que la maladie est diagnostiquée en moyenne à l’âge de 80 ans, les patients ont rarement plus de 15 ans de vie devant eux pour que l’écart se creuse)
Par ailleurs les courbes sur le papier (fig 2b pour ceux qui liront le PDF) montrent que la différence se creuse sur les 36 premières semaines, puis les courbes commencent à décroitre à la même vitesse ! il faudra voir si cette différence de vitesse de déclin se maintient dans le temps ou si c’est un petit ralentissement initial seulement.
3. le critère de mesure principal choisi pour évaluer l’effet du médoc :
C’est un questionnaire ! en soi on s’en balec du score de mamie sur un questionnaire. On veut savoir l’impact sur le délai avant l’entrée en ehpad, la mortalité, la qualité de vie ! des trucs de la vraie vie qui vont vraiment changer le quotidien des malades.
désolé pour le gros pavé, j’en rajoute une couche :
On a déjà eu des traitements contre alzheimer chez l’homme qui avaient une efficacité demontrée : (mémantine, donépézil, galantamine, rivastigmine).
Ils montraient une réduction de la dégradation de l’ordre quelques points sur des échelles qui allaient de 0 à genre 100 (en gros, je me souviens plus exactement). Efficacité réellement démontrée, mais intérêt médical quasi nul.
Ils ont été déremboursés en 2016. C’est un vrai sujet aussi pour le donanemab : si il a un réel effet de ralentissement du déclin cognitif, mais très faible, est-ce que ça justifie un remboursement par la solidarité nationale ? C’est un anticorps monoclonal qui va vraisemblablement coûter une grosse blinde, au détriment d’autres traitements.
Mon avis personnel (sous condition de l’efficacité réelle du médicament qui sera analysée avec d’autres études) c’est qu’il ne faut pas ruiner la sécu dans des traitements chers qui ont une efficacité faible.
Et encore une couche pour la route :
Concernant le diagnostic précoce :
- La détection des plaques amyloïdes se fait par IRM ou par TEP-scanner, des examens compliqués, très difficiles d’accès et coûteux. On imagine mal proposer un dépistage par ces techniques, a fortiori si la conséquence d’un dépistage positif est la prescription d’un traitement qui ne préviendra pas la survenue de la maladie !
Quand on dépiste un cancer c’est pour l’éliminer avant qu’il soit trop étendu, on dépiste l’hypertension pour donner un traitement qui préviendra les complications. Mais dépister une maladie dont on peut seulement ralentir la progression ? pas sûr que d’un point de vue de santé publique ça soit un bon calcul.
Merci pour ce retour!