Vous vous êtes probablement jamais demandé si les musiciens bricolent, la réponse est oui. J’ai envie de me la péter vous montrer comment on fabrique des anches de basson.
Pour monter une anche de basson vous aurez besoin de: une planche à découper, un cutter (un petit cutter c’est mieux), un mandrin, une planche à mandrins, plusieurs paires de pinces, du fil laiton, un p’tit thé, des tranches de mandarines, un podcast (optionnel). Les gens classes rangent leurs outils dans une trousse pépito du siècle dernier. Pour les pinces il faut des coupantes, des plates, des fines, des courbées… j’ai la chance d’avoir une pince multi-usages qui fait tout et qui me suffit, mais les gens normaux en ont plusieurs. J’en fais depuis longtemps donc j’ai trop la classe acquis le matériel adapté, mais tout peut-être fait les moyens du bord, sauf peut-être le mandrin.
Pour les photos c’était bois sur bois sur bois, donc je prend un fond sombre pour qu’on y voit quelque chose. Il s’entend bien que c’est la magie du cinéma et que j’utilise ma planche et pas mon ordi pour couper des trucs.

le matériau de départ.

Évidemment il vous faudra aussi un bout de bois pour commencer. Les anches de basson mais aussi hautbois, clarinette et saxophones sont en roseau. Traditionnellement on utilise du roseau du var pour le basson (Il semble que les autres s’approvisionnent ailleurs, mais j’ai jamais vu d’anches de basson pas du var). Vous me direz que mon bout de bois là, il a pas trop une gueule de roseau ? C’est parce qu’il a déjà été préparé avant, je pars pas de zéro. On appelle ca des roseaux gougés, effilés, taillés. Parce que c’est les étapes qui ont déjà été faites. Il manque fendues dans le nom mais c’est implicite. La partie centrale qui fait un genre de losange ca deviendra les palettes et les extrémités rectangulaires qui ont encore leur écorce deviendront le tube.

étape 1: le bain

Tout d’abord il faut faire tremper les roseaux dans de l’eau pendant au moins 45 minutes. 2-3 heures c’est mieux.

étape 2: fendre le tube

Aux deux extrémités, on utilise sont cutter pour faire des incisions le long du tube. Attention a ne pas couper jusqu’au palettes, il faut bien s’arrêter avant. Il faut en faire le plus possible, là je me la ramène vous montre qu’on peut en faire jusqu’à 13, mais 5-7 c’est le minimum.

étape 3: on plie

Sur certaines marques il y a un guide pour le pliage, mais pas toujours. Sur celle ci, en regardant bien vous pourrez voir une petite ligne gravée dans le bois juste au dessus du trait de crayon. Je ne sais pas pourquoi le trait est pas directement sur la gravure, peut-être pour prendre en compte l’épaisseur de la lame? Mais elles sont toutes comme ca et ca m’énerve parce que c’est pas centré. La ligne gravée par contre c’est la bonne. Donc, vous prenez votre lame et vous alignez le fil avec le centre du roseaux et vous pliez en deux. Ensuite on prie très fort pour que tout s’aligne bien comme il faut. Si c’est pas parfait ca se tente quand même, mais il se peut que l’anche finale soit pas jouable si ca sonne mal on peut la garder en secours ou pour la maison

étape 4: les deux premiers anneaux

Ca commence à ressembler un peu au produit fini! On prend environs 10-15cm de fil de laiton qu’on a coupé au préalable et pas au dernier moment comme un nul et on fait deux tours autour du tube à 1mm des palettes. Le fil est très rigide donc ca se travaille à la pince, et on évite les croisements de fil. à la jonction on ferme en tournant les fils sur eux-mêmes. Ne pas hésiter à fignoler le tout pour que ce soit bien droit, bien placé, bien fini. Difficile de décrire la tension nécéssaire, ni trop ni trop peu. Ce sera resséré derrière mais faut que ca tienne bien quand même. Ensuite on répète l’opération exactement une largeur de pince plus bas que le premier anneau (4-6mm). Si vous avez une autre pince, tant pis pour vous. Pour resserrer les anneaux on tire sur le bout, il est donc important que les bouts soient opposés pour équilibrer.

étape 5: le tube

Maintenant tu prends ton bois plat et tu fais un rond ! On prend le mandrin et on le glisse entre les deux moitiées du tube. Avec les pinces on aide tout ca a prendre forme, y compris en arrondissant les anneaux. C’est probablement l’étape la plus délicate, il faut a tout prix éviter que les fentes s’étendent jusqu’au palettes, sinon c’est foutu (d’oú l’intérêt des anneaux suffisamment serrés)

étape 6: le troisième anneau

Il est installé comme les deux précédents mais tout au bas de l’anche.

étape 7: les finitions et le séchage.

On écrase encore un coup à la pince pour bien former le tube (le bourrinage est accepté dans une certaine mesure ici), on coupe le fil qui dépasse, on met un petit coup de lime sur les extrémités sinon ca peut griffer un peu, on replie les bouts pour que rien ne dépasse et on mets sur la planche à mandrins. Ensuite on attends deux semaines que ca sèche et que le bois prenne sa nouvelle forme.

Il existe probablement autant de méthodes que de bassonistes, certains plient d’abord et fendent le tube ensuite, d’autres font tremper les anche dans l’eau chaude, d’autres mettent pas les anneaux au mêmes étapes. L’important c’est le résultat final. L’intérêt de faire ca soi même au lieu d’acheter des anches toutes prêtes et principalement financier: mes roseaux coûtent 3-5 euros pièce et une anche montée une quinzaine. Ca offre aussi une plus grande liberté pour adapter son instrument a son style de jeu ou même au répertoire et c’est très fun.

Il reste encore quelques étapes mais il faudra attendre deux semaines. Et si vous êtes sages, je vous apprendrai à utiliser la guillotine.